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Chants de la liturgie de St Germain (481 )

SOURCES DE LA LITURGIE DES GAULES

Mgr Germain, évêque de Saint Denis

1. Des sources en général.

Nous abordons cette quatrième partie de notre démonstration sans oublier les multiples significations du mot «source».

La première distinction à apporter dans la compréhension de ce terme, comme l'enseignait sans se lasser Monseigneur Jean de Saint-Denis, réside en ce que la Source primordiale de tous les rites, en particulier de notre Liturgie, est la même que celle de l'Écriture Sainte. Cette source est «l'Esprit Saint et la Tradition vivante de l'Église».

Après «Lui» et après «Elle» viennent les «documents-sources» auxquels nous allons nous attacher maintenant, en donnant un certain aperçu de ceux qui ont servi à la restauration du Rite des Gaules.

Il existe une équivoque dans les documents. Nous pouvons disposer, en effet, d'une grande abondance de ces sources pour étudier une époque, présenter une cause ou découvrir un homme. Mais cette abondance n'offrira pas de garantie de pénétrer le cœur de la dite époque, de comprendre la cause ou de communier à la vie de cet homme. L'on peut ainsi, faute d'inspiration ou d'intuition ou, encore, de sollicitude, - sans même parler d'amour - demeurer totalement étranger, éloigné de la Source vivifiante : seule capable, à travers les documents, de greffer loyalement à une époque, à une cause, à un personnage historique.

Il ne suffit pas non plus de rassembler les documents mais il incombe de les situer, de les analyser dans leur contexte historique. Les manuscrits, par exemple, sont des êtres vivants avec lesquels l'historien doit entrer en relation, autant que possible, sans s'en tenir exclusivement aux éditions et présentations postérieures.

Quoi qu'il en soit il convient de savoir aussi la valeur de l'apport des documents, sans les obscurcir par l'intuition démesurée et l'inspiration, et d'admirer et de connaître la science et le travail des auteurs anciens et modernes.

Les paroles de l'Apôtre Paul s'appliquent parfaitement à l'art et à la science des sources (1 Thes 5, 19-20) : «N’éteignez pas l'Esprit, mais examinez toutes choses, retenez ce qui est bon».

2. LES DOCUMENTS

Comme nous avons déjà présenté l'historique de l'étude du rite et l'historique de la restauration, nous ne reviendrons pas sur le témoignage des auteurs qui ont recopié les documents ni sur celui des personnes qui ont travaillé les sources.

Les sources primitives sont sous-jacentes, connues de tous ceux qui ont étudié les documents de la Liturgie des Gaules. Nous entendons par sources primitives : la Didachè, la Tradition Apostolique (saint Hippolyte), les Constitutions Apostoliques, la Didascalie, etc. tout comme les œuvres patristiques de saint Ignace d'Antioche, de saint Irénée, de saint Cyprien de Carthage..., et la familiarité des rites antiques d'Orient aussi bien que d'Occident. La connaissance de ces trois types de sources primitives est indispensable à la restauration d'une liturgie.

Les «sources mêmes» du Rite des Gaules sont nombreuses, plus riches qu'on ne le pense généralement. Cet ensemble de manuscrits, de textes, d'auteurs, privilégie ce rite et permet de le ressusciter concrètement. Voici les documents :

a) LES LETTRES DE SAINT GERMAIN : elles furent découvertes en 1709 dans le Monastère d'Autun par Dom Martène et Dom Durand. Dom Martène, moine bénédictin, était établi à Saint Germain des Prés au commencement du 18ème siècle. Les deux lettres furent publiées par les deux moines, en 1717, dans leur«Thesaurus novus anecdotorum», et reproduites dans Migne, P.L.t. LXXII Col 89-98. Il est inscrit en tête des lettres : «Germanus episcopus Parisius scripsit de missa». Monseigneur Duchesne qualifie ce manuscrit : «le plus précieux document pour le Rite des Gaules». Comme nous l'indiquons précédemment, le Père Pierre Lebrun, contemporain de Dom Martène et de Dom Durand, restaura la Liturgie des Gaules sur la base de ces lettres.

Les «Lettres de Saint Germain» contiennent une explication symbolique - à la manière de Nicolas Cabasilas - du déroulement de la Liturgie. Sans former l'Ordo, au sens strict de ce mot, elles nous fournissent pourtant des fondements solides.

Nos liturgistes ont vu et compulsé sur place, dans la Bibliothèque Municipale d'Autun où elles sont conservées, le manuscrit de ces deux lettres. Cette étude leur a permis de discerner quelques détails inconnus des autres spécialistes dépourvus des mêmes préoccupations qu'eux. Ils ont remarqué, par exemple, le soin pris par le copiste pour dessiner la majuscule S du «Sonus», indiquant ainsi la valeur de la Grande Entrée àune époque ou le Rite romain commençait déjà à s'imposer.

b) LES PÈRES DES GAULES

Le témoignage précieux de saint Germain doit être complété par ceux des Pères des Gaules de la même époque. Leurs écrits, en effet, traitent fréquemment de questions liturgiques.

Saint Sulpice Sévère (5ème siècle) : «Vie de Saint Martin».

Saint Jean Cassien de Marseille (5ème siècle) : «Conférences», «institutions cénobitiques».

Saint Gennade de Marseille (5ème siècle) : «Les dogmes ecclésiastiques».

Saint Faust de Riez (5ème siècle) : lettres et homélies, écrites sous le pseudonyme d'«Eusebius gallicanus».

Saint Grégoire de Tours (6ème siècle) dont les ouvrages historiques et hagiographiques content les cérémonies : «Vie des Pères», «Histoire des Francs» et son«Cursus ecclésiastique» qui témoigne d'un grand intérêt pour la liturgie.

Saint Venance Fortunat de Poitiers (6ème siècle), ami de saint Germain. Son éloge de ce dernier et ses autres ouvrages fournissent d'intéressants éléments de la vie de son temps.

Saint Avit de Vienne (6ème siècle) : lettres et homélies.

Saint Sidoine Apollinaire de Clermont (6ème siècle) : lettres.

Saint Césaire d'Arles (6ème siècle) et son successeur, saint Aurélien, dont les œuvres amplifient la connaissance liturgique de cette période (Homélies ; règles pour les moines et les vierges).

Saint Géry de Cambrai (7ème siècle) : Vie.

Saint Isidore de Séville (7ème siècle) : «Les offices ecclésiastiques». La liturgie d'Espagne est si proche de celle des Gaules que les liturgistes, du 18ème siècle jusqu'à nos jours, considèrent qu'ils peuvent s'en servir pour combler ce qui manque dans les manuscrits mérovingiens.

c) LES CONCILES DES GAULES

Les Conciles des Gaules des 6ème et 7ème siècles nous offrent d'autres témoignages. Nommons-les :

Les Conciles : d'Agde (509), de Lyon (517), de Vaison (529) - ce dernier impose, par exemple, le «Trisagion» indiqué par les Lettres de saint Germain -, de Mâcon (585), de Rouen (650), de Nantes (658), etc. (sur ces Conciles voir Hefele et Leclercq, Histoire des Conciles, t. II2 et iii1).

d) LES MISSELS SACRAMENTAIRES

Nous avons signalé, à travers le «Propre», la variabilité des prières durant la Messe. Aucune Messe occidentale ne peut être célébrée sans recourir au Missel. Les missels ou sacramentaires, contiennent les prières selon les temps, les fêtes, et indiquent aussi, indirectement, le Commun de la Messe. Citons en exemple :

Les missels gallo-mozarabes donnent :

a) des «Collectes post nomina» et des «Collectes du baiser de paix» entre le Sonus» (Grande Entrée) et le «Canon Eucharistique. Ceci prouve que les diptyques, dans ce rite, étaient placés en cet endroit et suivis du «Baiser de paix».

b) des «Prières post-pridie» (prières«après la veille»), qui nous montrent que les paroles de l'Institution commencent par : «Qui, la veille de sa Passion», et non «la nuit où Il fut livré» comme dans la Liturgie orientale.

Les missels sacramentaires gallicans

Voici une liste des principaux missels parvenus jusqu'à nous :

- Parmi les missels typiquement gallicans nous avons, tout d'abord, les «Missale gothicum gallicanum» (nommé par certains «Missel d'Autun») et «Missale Gallicanum vetus». Ces manuscrits du 7ème siècle renferment aussi des textes du 4ème siècle, dont le célèbre Exultet. Ilsfurent édités pour la première fois par Thomasi et repris par Migne (P.L.t. LXXII).

- En 1850, Mone découvre et publie un Missel gallican de la fin du 5ème siècle. Ce Missel est probablement d'origine auxerroise et il s'achève par la Messe de Saint Germain d'Auxerre ( P. L. t. CXXX VIII).

- Le Missel de Stowe, découvert en Allemagne au 18ème siècle, fut publié par Warren en 1881. Tout en contenant des particularités celtes et en mélangeant le Canon romain et le Canon gallican, il nous fournit, entre autres, des Litanies (Ecténies) dites de saint Martin («Supplicatio S. Martini») auxquelles les «Lettres de Saint Germain» font allusion sans en donner toutefois le contenu. Ce Missel, cependant, n'est pas le seul à nous les transmettre. Nous les lisons aussi dans le Missel de Fulda,aujourd'hui perdu, mais transcrit en partie par Georges Witzel en 1555 et publié par Thomasi dans le Sacramentaire de Bergame (10ème siècle), et dans le Sacramentaire de Biasca (10ème siècle). Cette série de documents appuie les litanies de la Messe selon saint Germain de Paris.

- Le Missale Francorum, œuvre provenant probablement de Poitiers ou de ses environs, contient des éléments gallicans. Monseigneur Duchesne le classe parmi les sources de la Liturgie romaine et il a raison en ce qui concerne le Canon Eucharistique.

- Le Sacramentaire de Bobbio (11ème siècle), découvert à Bobbio et publié par l'infatigable Mabillon, est un document utile possédant des prières antiques.

- Le Missale mixtum (P.L.t. LXXXV). Sa nomination vient de ce qu'il est un mélange de l'ancien Rite de Tolède avec celui de Rome. Il fut publié en 1500 par le Cardinal Xiemenes de Cisneros.

- La grande reconnaissance des liturgistes va vers Marius Férotin qui publia en 1904 le «Liber ordinum» et, en 1912, le «Liber mozarabicus sacramentorum». Cette publication, ainsi que celle de Bianchini (1746) sur la liturgie espagnole, amplifie largement notre connaissance du Rite gallican, agrandit le champ des recherches. Soulignons, encore, que les rites gallican, mozarabe et celte, malgré quelques variantes, forment un même rite. La concordance de leurs témoignages nous permet de revivre la Liturgie des 6ème et 7ème siècles de la France et de l'Occident.

- Les Sacramentaires romains : les Gélasiens (l'un d'eux est classé par plusieurs liturgistes parmi les manuscrits gallicans) le Léonien, le Grégorien, ne sont pas à négliger ; il existe (cf. Ap. E. Kovalevsky) des exemples de pénétration des Sacramentaires romains dans le Missale Gothicum gallicanum.

- Les Missels-sacramentaires qui nous sont parvenus en grand nombre, s'échelonnent du 10ème siècle au 12ème siècle. Ils procurent des éléments intéressants.

e) LES LECTIONNAIRES

Le précieux manuscrit du 6ème siècle, spécifiquement gallican, est le «Lectionnaire de Luxeuil» (ou Luxeu), découvert par Mabillon en 1683. Remarquons en passant qu'il fortifie le témoignage de saint Germain sur le chant, dans la Liturgie de «Tu es béni, Seigneur, Dieu de nos Pères».

Semblable à lui est le «Lectionnaire d’Autun» ou de «Würzburg», découvert par l'infatigable ouvrier liturgiste : Dom Morin (20ème siècle). Consulter les articles de ce dernier dans la «Revue bénédictine» de1911.

f) LES ANTIPHONAIRES

Les antiphonaires, les séquentiaires, les tropaires, les prosaires se multiplient à partir du 9ème jusqu'au 13ème siècles. Le cadeau en est précieux pour celui qui regarde le Rite des Gaules comme un courant vivant de la prière liturgique et non comme une noble antiquité de musée.

g) LE RITE AMBROSIEN

Monseigneur Duchesne a vu juste, lorsqu'il écrivait que le Rite ambrosien, bien que se distinguant du Rite des Gaules, fait partie de son étude. Voici les principaux manuscrits :

Les Sacramentaires de Bergame et de Biasca (déjà cités au sujet des litanies dites de Saint Martin), l'Ordo de Berold, le Missel ambrosien édité par Ratti et Magistretti, de même que les œuvres de saint Ambroise, principalement le «De Sacramentis».

L'on a retrouvé dernièrement des fragments d'anciens livres gallicans : lectionnaires, antiphonaires, sacramentaires ; la bibliographie la plus complète en est donnée par Dom Leclercq dans le D.A.C.L. sous le nom de «Gallicane (Liturgie)».

3. TROIS OUVRIERS LITURGISTES ET LES DOCUMENTS

Notons pour terminer que les trois principaux restaurateurs de la Liturgie gallicane, avant Monseigneur Jean de Saint-Denis, se basèrent sur les documents suivants :

1) Le Père Lebrun : sur six documents ; soit quatre Missels (Missale Gothicum Gallicanum, Missale Gallicanum-vetus, Missale Francorum, Missel de Bobbio appelé par lui : liber Sacramentarium gallicanum), un Lectionnaire (celui de Luxeuil) et l'Exposé de Saint Germain de Paris.

2) Le Père W. Guettée : sur trois documents : le Missale gothicum-gallicanum, la liturgie mozarabique, et le «Vieux Missel» gallican (gallicanum-vetus).

3) Monseigneur Duchesne : surneuf documents : le Missale Gothicum Gallicanum, le Missale Gallicanum-vetus, le Missel de Mone (inconnu du Père Pierre Lebrun), le Lectionnaire de Luxeuil, les lettres de Saint Germain, les livres bretons et irlandais (surtout le Missel de Stowe), le Missel de Bobbio, les livres ambrosiens et les livres mozarabes.

4. CONCLUSIONS

«Il est intéressant de noter que le Père Lebrun se contente des sources gallicanes, que le Père Guettée ajoute les sources mozarabes et que Monseigneur Duchesne exploite les traditions jumelles de Gaule, d'Espagne et de Bretagne, introduit en plus les documents ambrosiens comme faisant partie du patrimoine commun».

Il reste à citer une source non manuscrite, inattendue peut-être, mais spirituelle et assurance d'authenticité pour «l'Ancien rite des Gaules» restauré. Il s'agit du témoignage de plusieurs évêques orthodoxes de différentes Églises russe, grecque et roumaine qui présidèrent la Liturgie dans notre Cathédrale, tels l'Archevêque Jean de San Francisco. Mais tout particulièrement l'ancien Primat de l'Église Russe Hors-Frontières le Métropolite Anastase : assistant à la Liturgie avec dix-huit autres évêques, il s'écria : «Elle est, en vérité, orthodoxe !»

L'utilisation actuelle de la Liturgie du Rite des Gaules, nécessité vitale pour une Église attachée à son sol, est posée sur un plan universel, non seulement à cause des racines apostoliques et antiques du Christianisme en France, mais à cause de l'universalité de la Foi orthodoxe qui doit être exprimée en toutes langues par tous les peuples, «Ce problème est posé aussi pour les autres rites occidentaux : romain, celte, mozarabe, etc. Et le temps actuel ne serait-il point favorable à ce que le Pape d'Alexandrie, par exemple, ce Patriarche de toute l'Afrique, restaurât les vénérables rites d'Alexandrie, d'Éthiopie, montrant ainsi qu'il est le père des divers peuples d'Afrique et leur racine apostolique. Nous aimerions tenir le même langage au Patriarche d'Antioche, Patriarche de tout l'Orient, depuis l'Asie Mineure jusqu'aux Indes. L'unité du rite est accidentelle dans l'Orthodoxie et non l'expression de son génie universel. Le Rite byzantin est l'incomparable chef d’œuvre de la deuxième Rome et de l'Hellade ; il est normal qu'il soit employé par la Russie, la Roumanie, issues de Constantinople, mais il ne peut devenir l'expression de tous les peuples».

Bénissons la Divine Providence qui amena jusqu'à ce temps les matériaux intacts et riches de la Tradition des Anciennes Gaules, qui suscita les ouvriers liturgistes pour les rassembler à nouveau et qui passa l'anneau d'or au doigt du Fils prodigue la Liturgie antique aux Français - avant de le remettre à sa Mère l'Église.

5ème partie : CONCLUSIONS

Après avoir dégagé, croyons-nous, à la mesure de ce seul et bref article, les principes, la ligne historique et les documents suivis et utilisés par les restaurateurs de La Sainte Messe selon l'Ancien rite des Gaules, nous osons ajouter trois courts chapitres tout en renvoyant le lecteur aux très remarquables travaux de Monseigneur Jean de Saint-Denis pour l'exposé définitif, liturgique et scientifique de ces chapitres. Une très courte réponse aux six questions critiques indiquées en tête de notre étude formera le 1er chapitre. Nous pensons pouvoir faire comprendre au lecteur la valeur de cette réponse après connaissance des textes précédemment présentés et nous estimons utile pour beaucoup, et honnête pour nous-mêmes, de savoir répondre à ces questions.

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